Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Complexité administrative
Suite au "choc de simplification" lancé par François Hollande en 2013, le 1er juin 2015, 52 nouvelles mesures de simplification pour les entreprises étaient annoncées. Pourtant, le pari ne semble pas gagner. Entre promesses de l’Etat et réalité, quel est le premier bilan de la simplification administrative à destination des entreprises ? Démuni face au chômage de masse et au tassement du pouvoir d'achat, l'Etat se rabat sur des chantiers importants mais périphériques où l'obligation de résultats est difficile à jauger, donc à évaluer. Le dynamique Secrétaire d'Etat à la simplification administrative, Thierry Mandon, a été bizarrement relevé de ses fonctions pour rejoindre l'enseignement supérieur. Ce changement de portefeuille ne garantit pas la qualité du suivi et nous éloigne des travaux initiés par le tandem Poitrinal / Mandon. Il pourrait paraître délicat de dresser un premier bilan car les actions sont récentes. Toutefois, des lignes de force apparaissent déjà clairement et méritent d'être soulignées. En Juin, 52 mesures ont été annoncées. Notamment, la centralisation de différents contrôles administratifs autour du pôle des URSSAF afin de simplifier la vie des entreprises par le développement d'opérations ciblées. Imaginons que les CRS, la Gendarmerie et la Police soient mieux vectorisées pour contrôler l'automobiliste lambda : faudrait-il y voir un mieux ou seulement la quête d'un Etat plus efficace et soucieux de rendement. Tel est le principal grief qu'inspirent les décisions Mandon : elles vont en apparence dans le bon sens mais elles portent surtout sur l'efficacité interne de l'Etat et non sur son service rendu. En cas de jurisprudences contradictoires (ce qui est fréquent dans mille domaines) a-t-on prévu une mission du Tribunal des Conflits (http://www.tribunal-conflits.fr ) ou de la Cour de Cassation pour surmonter ce type d'obstacle du quotidien ? Sous six mois, 30 magistrats pourraient "déclipser" des situations juridiques complexes qui polluent la vie des entreprises et gonflent les honoraires versés à leurs conseils. Quel retour sur ces mesures peut-on faire aujourd'hui ? L'expérience invite à la plus grande méfiance quant au chantier visant à limiter la "surtransposition" des Directives communautaires. Autrement dit, l'Etat pointe du doigt le travail du Parlement qui, lors du vote d'une transposition de directives, est fréquemment conduit à préciser tel ou tel point ou à limiter tel ou tel autre. Respectueux du travail des Parlements nationaux, je trouve singulier de vouloir brider ainsi l'initiative parlementaire (ce qui pose une question constitutionnelle) et garde en mémoire l'interpellation tonique de feu Michel Crépeau (ancien député-maire de La Rochelle) qui avait vilipendé une directive pêche qui voulait régenter jusqu'à l'avenir du petit millier de carrelets qui bordent la Côte Atlantique et qui sont désormais protégés au nom de l'écotourisme. Vu de Bruxelles, les questions n'ont jamais la même épaisseur que celle qu'impose le principe de réalité. Les travaux actuels de l'Etat sur ce sujet n'ont guère de cohérence même s'ils concernent des dizaines de textes. Ces mesures changent-elles le quotidien des entreprises ? Selon le Ministère, les mesures déjà actées auraient permis " 3,3 mds de gains depuis septembre 2013 " et une projection de 11 milliards d'ici 2017. La question centrale n'est ni symbolique, ni sémantique : comment définit-on un gain ? Est-ce une amélioration potentielle du compte de résultat des entreprises ? Est-ce un gain budgétaire pour l'Etat ? Est-ce un panachage statistique bancal entre les deux versants ? En matière d'évaluation des politiques publiques, Jean-Pierre Nioche et autres ont démontré qu'il existait des outils de plus en plus précis. Autant dire que je récuse ce terme de gains (pécuniaires ? de compétitivité ? etc.) qui est un habile fourre-tout dispensant de quantifier, de manière crédible, la situation. Si la situation n'inspirait pas le sérieux, on serait tenté de sourire lorsqu'on lit que l'un des objectifs est de simplifier le bulletin de paye. Quelle cohérence avec sa future complexité additionnelle si le prélèvement à la source aboutit ! On détricote un côté pour alourdir l'autre. Ponctuellement (imprimé Cerfa, etc.) il y a du mieux. Le sujet qui sera peut-être une réussite concerne la simplification du permis de construire (limitation dans le temps des délais de recours, etc.) dans un secteur où, là encore, les professionnels savent les dégâts occasionnés par la loi ALUR et la conjoncture. En 1981, Jean-François Deniau était nommé ministre de la Réforme de l'Etat (ce qui est la première partie du titre affecté à Thierry Mandon) et avait reçu de Raymond Barre des instructions de simplification de la vie des Français. Nous savons tous que depuis lors, notre pays a densifié son droit et ses usages et que la complexité est une plante bien vivace par-delà les quelques coups de sécateur de tel ou tel ministre éphémère.
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :