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Glacis stratégique, réservoir de ressources, l’Asie centrale offre une profondeur de champ que la Chine comme la Russie voisine n’ont jamais cessé de convoiter. L’une comme l’autre de ces puissances se sont parfois retrouvées pour dénoncer l’entrisme des États-Unis et de l’OTAN dans cette partie du monde. L’imposition des sanctions occidentales a contribué à renforcer la nature de leur relation. Ainsi, les deux puissances ont conclu en 1996 un partenariat stratégique, puis signé un traité d’amitié en 2001, et réglé leurs conflits territoriaux en 2004. À bien des égards, la Russie et la Chine ont non seulement un passé révolutionnaire commun, mais elles partagent nombre de caractéristiques en matière de gouvernance. Elles n’ont de cesse que de vouloir contrecarrer les forces centrifuges qui les animent. Cette tendance explique l’articulation essentielle établie entre leurs choix de politique intérieure et extérieure. L’atout non négligeable de la Russie est de proposer à la Chine, en Asie centrale même et au-delà, une action de sécurisation et de stabilisation, par l’utilisation de ses forces armées. L’Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC), créée en 2002, mais aussi son parapluie nucléaire peuvent y pourvoir même si la Chine ne cesse d’augmenter chaque année son propre budget militaire. Au reste, les officiels russes et chinois insistent régulièrement - qu’ils parlent d’eux-mêmes ou d’autres pays, comme la Corée du Nord - sur le fait qu’ils ont des intérêts légitimes en matière de sécurité ce que négligent de prendre en compte, selon eux, les pays occidentaux. En définitive, pour ce qui concerne l’Asie centrale, la Chine et la Russie partagent un même objectif : limiter la présence américaine en Asie centrale (fermeture des bases aériennes américaines en Ouzbékistan et au Kirghizistan en 2005) et dans le prolongement naturel de celle-ci, le Moyen-Orient. Dans les faits toutefois, face au poids démographique et économique de la Chine, la Russie ne pèse guère, et les besoins en hydrocarbures de la Chine ne suffisent pas à rééquilibrer le rapport de forces économiques qui, à terme, promet d’être encore plus déséquilibré. En effet, comme le précise Béatrice Giblin, « le projet de Xi Jinping de construire de nouvelles routes de la soie (en Asie centrale et en Asie du Sud-Est), projet titanesque de près de 1000 milliards de dollars, que d’aucuns considèrent comme l’expression d’une hégémonie déguisée, risque fort d’assujettir les républiques d’Asie centrale, et d’entraîner quelques tensions au sein de l’alliance russo-chinoise ». Car c’est en définitive Pékin qui a initié réellement le désenclavement de l’Asie centrale, devançant à la fois les Occidentaux et les Russes, en inaugurant un premier oléoduc du Kazakhstan vers la Chine (2005) puis un gazoduc depuis le Turkménistan (2009). Comme le souligne Jean Radvanyi, « ces différentes réalisations sont autant d’éléments qui viennent briser le monopole d’influence russe : en créant des voies alternatives, elles permettent à ces pays de renégocier plus avantageusement les accords de transit bilatéraux avec Moscou, voire partiellement, de se passer de l’intermédiaire russe ». Pour le moment toutefois, Moscou et Pékin voient dans leur « interaction dans les affaires internationales…un facteur de poids croissant de la politique internationale ». Partage de vues et d’objectifs communs, mais pour combien de temps encore ?

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